Dans L’ingénieur du revenu universel, c’est à un voyage de découverte que Marc de Basquiat nous convie sur le sujet du revenu de base. Chaque chapitre part d’une expérience personnelle pour illustrer son propos et marque un jalon dans son développement intellectuel. L’homme privé se livre peu (on apprend en passant qu’il a plusieurs enfants). Or cet ingénieur de formation et de sensibilité livre sans fard les joies et les frustrations qui ont parsemé son parcours à la recherche de solutions plutôt que de vérités.
Il se décrit lui-même comme culturellement plutôt à droite. Son livre révèle au contraire un passionné au cœur résolument à gauche, encadré par une grande rigueur scientifique. Avec son doctorat en économie acquis sur le tard, de Basquiat est de toutes les recherches sur le revenu de base et de tous les combats : un des fondateur du Mouvement français pour un revenu de base, président de l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE), il connaît tout le monde.
Contrairement à la plupart des théoriciens du revenu de base, peu préoccupé par l’aspect pratique de la chose, de Basquiat distille le concept à une formule simple et l’insuffle de vie en le chiffrant : 500 € par mois moins 30 % des revenus. C’est cette formule facile à comprendre et démocratique, puisqu’elle s’applique à tout le monde, qu’il défend efficacement tout au long de son ouvrage.
La grande richesse de ce livre, c’est que la réflexion ne s’arrête pas à la seule question du revenu de base. Plusieurs autres problèmes doivent être attaqués simultanément pour assurer une qualité de vie à tous. De Basquiat n’est pas un philosophe : tant mieux! Il y en a assez comme ça qui touillent la salade économique sans jamais se mettre à table!
Par exemple, pour assurer un logement décent à tous, il propose un mécanisme qui permettrait à chacun de se loger en échange du quart de son revenu. Sa meilleure trouvaille, selon moi, c’est la proposition d’une taxe sur le patrimoine de 0,1 % par mois (puisque la vie dure environ 1000 mois) appliquée autant au châtelain qui possède un patrimoine valant 2 millions € qu’ au propriétaire d’une vieille bagnole qui vaut 1000 €. Le 1er paye 2000 € par mois, l’autre un euro. C’est un concept original et d’une simplicité désarmante qui a un potentiel énorme de transformer les mentalités et renforcer la solidarité sociale. C’est aussi une mise à jour astucieuse d’Agrarian Justice de Thomas Paine dont les adeptes du revenu de base se réclament tous, sans tirer tout le profit du message de Paine.
Il y a bien certaines propositions dans l’ingénieur du revenu universel qui me rebutent. Je ne peux accepter qu’un employeur achète avec ses cotisations sociales le droit de diriger ses employés. Une licence pour mener des esclaves, ça ne s’achète pas! Or de Basquiat ne fait que rapporter la réalité. Dans les faits, le droit de gérance est accordé gratuitement à quiconque s’improvise patron.
C’est rafraîchissant de voir les problèmes socio-économiques de notre temps traités de façon globale et intégrée, avec rigueur et sans le moindre biais idéologique. C’est un tour de force d’ingénierie. Et tout ça en élevant une grosse famille!